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Explorer « Star Trek » pour comprendre les problématiques sociales d’aujourd’hui

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La série télévisée Star Trek, diffusée de 1966 à 1969, a commencé un an après que ma famille et moi ayons quitté le quartier new-yorkais de Harlem pour déménager au sud de Los Angeles, en 1965.

C’est aussi l’année où ce que l’on appelle désormais « les émeutes de Watts » ont éclaté dans cette métropole. La série de science-fiction est devenue une échappatoire à l’atmosphère pesante de la réalité urbaine, un moyen d’envisager un avenir plus tolérant.

En fin de compte, il s’est avéré que la télévision ne pourrait être la clé qui ouvrirait la porte de ce futur. À sa place, de nombreuses années d’études éveilleraient plus tard en moi une curiosité prononcée pour les rouages du périple de la vie – aussi bien les éléments tangibles de ce monde que ceux que j’imaginais exister au-delà des étoiles.

Je me suis attaqué aux nombreuses questions que je me posais – et qui se recoupaient – à l’aide de la culture et des sciences humaines. Il s’agissait d’aborder les sujets les plus chers à mes yeux : la race, le genre et la sexualité, ainsi que les technologies du passé, du présent et du futur.

Un demi-siècle plus tard, j’aide mes étudiants à cerner ces mêmes sujets essentiels et complexes.

Expliquer des problèmes contemporains

Après avoir obtenu un doctorat en histoire de l’art et enseigné à l’université pendant les 25 années suivantes, j’ai remarqué une contradiction chez la plupart des étudiants de la génération Y : ils semblent à la fois proches et pourtant très éloignés des complexités accablantes du monde qui les entoure.

La proximité transparaît le plus fortement dans le domaine de la culture populaire. L’éloignement, paradoxalement, paraît relever de l’obsession – parfois aveugle – pour la technologie.

En tant qu’historien de l’art et de la culture visuelle, je me suis creusé pour trouver un moyen d’associer la culture de masse à la technologie, afin de stimuler la réflexion sur des préoccupations personnelles et sociales difficiles à cerner. Comment faire réaliser l’importance de ces questions aux étudiants, au regard de leurs expériences quotidiennes et de ce qu’ils affrontent dans la vie de tous les jours ?

J’ai trouvé une partie de la réponse en remontant aux années 1960, époque où les aspirations aux mutations sociales concernant la race (droits civiques, black power), le genre (le mouvement de libération des femmes) et la sexualité (mouvement LGBT) battaient leur plein, en même temps que régnait l’obsession nationale pour la technologie, la conquête spatiale et la pop culture comme moyen d’échapper à nous-mêmes et de nous libérer.

Mon voyage dans le temps a abouti à la création d’un nouveau cours destiné aux étudiants du XXIe siècle, intitulé « Exploration de l’univers de Star Trek : race, genre et sexualités des aliens ». Ce cours s’appuie sur la série télévisée pour étudier les questions cruciales de race, de genre et de formes de sexualité alternatives. Il a reçu un excellent accueil.

Mais pourquoi les étudiants s’y intéressent-ils et pourquoi dispenser un tel cours dans le contexte d’un monde aussi complexe que le nôtre aujourd’hui ?

Pourquoi en parler ?

Ce n’est certainement ni le premier, ni le dernier cours à se baser sur Star Trek. Ce qui le rend singulier, ou du moins inhabituel, c’est l’ouverture sur toutes les combinaisons possibles entre les dynamiques qui s’entrecroisent – entre le genre, la race et les différents types de sexualité.

Les scénarios et personnages de Star Trek peuvent apprendre beaucoup sur la complexité de notre monde contemporain aux étudiants.
James Vaughan, CC BY-NC-SA

En tant qu’outil persuasif pour imaginer ce que nous réserve l’avenir, Star Trek a le pouvoir d’immerger totalement l’individu dans des histoires qui donnent une signification à notre identité et un but à notre existence.

Par exemple, dans l’épisode « Le Dilemme » (1969), le conflit entre deux humanoïdes bicolores nommés Lokai et Bele soulève des questions sur les frictions raciales et politiques, attribuant des dénominations raciales et mettant en évidence les tensions des politiques identitaires.

Comme dans la vie réelle, il n’y a pas de solution simple mais de nombreuses conséquences.

Le genre de la science-fiction, en tant que partie intégrante de la culture populaire, fournit des méthodes ludiques pour analyser les points de rencontre des divers thèmes sous une nouvelle perspective, à la fois audacieuse et excitante – par exemple en utilisant les Klingons comme métaphores des musulmans et les Vulcains des juifs.

L’articulation entre le passé, le présent et le futur à travers des sujets tels que l’esclavage, le racisme, la colonisation, le féminisme, les techniques de reproduction, l’homosexualité et l’homophobie, la spiritualité et le fondamentalisme religieux – pour n’en nommer que quelques-uns – favorise un nouvel examen critique des problèmes concrets actuels.

Pour y parvenir, on peut par exemple mener les étudiants à réfléchir sur la façon dont les conflits inter-espèces entre les humains, les Vulcains, les Romuliens, les Klingons, les Andoriens, les Bétazoïdes, les Cardassiens et les Bajorans sont dépeints, et en quoi ils reflètent les différends entre les nations, races, genres, religions et classes d’aujourd’hui.

L’idée de créer des espaces et expériences futuristes modelés sur les situations passées et contemporaines soulève des interrogations sur la possibilité d’atteindre un avenir prometteur ; mais aussi sur l’inévitabilité de se retrouver dans un futur plus sombre.

La science-fiction recouvre tout

Contrairement aux idées reçues, la science-fiction ne concerne pas uniquement le futur de la technologie et de la science, mais englobe ce que l’écrivain et enseignant Thomas Lombardo appelle « le futur de tout » – celui de la société, de la culture, de l’éthique, de l’environnement, de l’esprit humain, des races, des genres, du sexe et de la sexualité.

En prenant en compte les pensées complexes sur le futur de tout à partir d’un éventail de points de vue, l’univers de Star Trek représente un défi et englobe un large spectre de sujets, même quand il se limite à ceux qui se rejoignent – race, genre et sexualité.

De ces trois préoccupations, la race est peut-être la plus difficile à déterminer. Il y a une lutte permanente à propos de ce qu’elle signifie, et la plupart du temps, sa définition et son sens demeurent en suspens.

Une foule de personnages de l’univers de Star Trek évoquent ce qu’il y a de logique et d’illogique dans la race, soulignant l’importance et l’intemporalité de ces questions.

Uhura, Worf, Geordi La Forge, Guinan, Benjamin Sisko et Tuvok sont aisément identifiés par la couleur de leur peau. Ils peuvent tous nous apprendre quelque chose sur l’artifice des catégories de race (et de genre), qui s’étendent aussi au-delà de la couleur de peau.

Pour approfondir la réflexion à propos de la race, nous devons également nous pencher sur ce que la série dit du pouvoir des blancs et de sa tendance à renforcer les stéréotypes raciaux et sexistes. Le capitaine Kirk, la Directive Première et la Fédération des planètes unies l’illustrent bien.

Des personnages comme Monsieur Spock, B’Elanna Torres, Odo et même le lieutenant commander Data symbolisent la complexité des métissages, déguisés en espèces aliens hybrides luttant pour leur identité et le sentiment d’appartenir à un univers humanoïde et technologique étendu.

L’intérêt pour nous aujourd’hui

Ces enjeux et les difficultés qu’ils entraînent sont importants, car ils continuent de faire écho à ceux d’aujourd’hui et impactent directement notre qualité de vie.

Transmettre et acquérir des connaissances à propos de la race, du genre ou de la sexualité en s’appuyant sur des histoires de science-fiction à la télévision et dans les films peut être un défi stimulant et même formidable.

Star Trek pourrait bien être l’une des manières les plus pertinentes non seulement d’enseigner et d’apprendre des choses sur le passé, le présent et le futur, mais aussi d’esquisser en toute conscience les contours de l’avenir.

Traduit de l’anglais par Diane Frances.

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Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.

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