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La plupart des entreprises aiment montrer leur engagement envers les personnes homosexuelles. En raison des progrès réalisés en matière de droits et de reconnaissance juridique au cours des dernières décennies, il est désormais courant d’afficher un logo arc-en-ciel au mois de juin, pendant le mois des fiertés LGBTQI+. De grandes entreprises telles que North Face, Anheuser-Busch InBev, Target ou encore Kohl’s ont ainsi récemment lancé des campagnes publicitaires inclusives mettant en lumière des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres, queers et intersexes (LGBTQI+).
D’un point de vue commercial, il s’agit d’une stratégie qui porte ses fruits, « l’argent rose » pesant 3 500 milliards d’euros dans le monde, dont 874 milliards d’euros dans l’Union européenne. Toutefois, de nombreux membres de la communauté LGBTQI+ qualifient ces actions de « pinkwashing » si elles ne sont pas soutenues par des mesures plus substantielles.
L’absence de ces mesures apparaît notamment lorsque l’on se penche sur les conseils d’administration des entreprises. En effet, mes recherches sur le rôle des entreprises dans la sphère politique, notamment sur les questions sociales telles que les droits des personnes LGBTQI+, montrent que les plus hautes instances reflètent mal la diversité encore aujourd’hui.
Selon les estimations d’OutLEADERSHIP, moins de 1 % des 5 670 sièges des conseils d’administration des 500 plus grandes sociétés américaines en chiffre d’affaires sont ainsi occupés par des administrateurs membres de la communauté LGBTQI+. En Europe, nous ne disposons d’aucune donnée en la matière, ce qui peut paraître d’autant plus surprenant que la Commission européenne s’est engagée en 2020 à multiplier les opportunités pour la communauté.
Des politiques homophobes coûteuses
Les arguments en faveur de la diversité au sein des conseils d’administration apparaissent pourtant très convaincants. Selon l’un des plus grands organismes comptables au monde, elle se traduit par « des prises de décision plus efficaces, une meilleure utilisation du vivier de talents [et] une consolidation de la réputation de l’entreprise et des relations avec les investisseurs ».
Les recherches menées par les cabinets de conseil BCG et McKinsey révèlent également que la diversité des équipes dirigeantes améliore la productivité, favorise l’innovation et augmente les performances financières.
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Sur la base de données provenant de 657 entreprises américaines cotées en bourse entre 2003 et 2016, des chercheurs finlandais de l’université Aalto et de l’université de Vaasa ont aussi observé que les entreprises ayant adopté des politiques de soutien à la communauté LGBTQI+ étaient à la fois plus rentables et mieux valorisées sur le marché boursier. Par exemple, en améliorant d’un écart-type sa note dans le Corporate Equality Index de la Human Rights Campaign Foundation, une entreprise peut voir sa valeur boursière augmenter de 7 %.
À l’inverse, les politiques homophobes et transphobes coûtent de l’argent. Open for Business a publié un rapport estimant que la Hongrie, la Pologne et la Roumanie perdaient près de 7 milliards d’euros par an du fait de leurs politiques discriminatoires à l’encontre des personnes LGBTQI+. Pourtant, en augmentant de 10 % les droits des membres de cette communauté, ces pays pourraient enregistrer une hausse de 3 400 euros de leur PIB par habitant.
Par ailleurs, un conseil d’administration véritablement diversifié permettrait aux entreprises d’améliorer leur évaluation en matière de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) ainsi que ceux, promus au Canada, relatifs à l’équité, la diversité et l’inclusion (EDI). En occupant des postes de pouvoir, les membres de la communauté LGBTQI+ contribuent à renforcer la mission de leur entreprise au profit de la communauté mondiale. Ils peuvent notamment défendre les droits des minorités sexuelles dans les quelque 70 pays où les relations homosexuelles constituent toujours un délit.
Comment progresser ?
Il faut donc à présent se poser la bonne question : comment les entreprises peuvent-elles induire le changement ? Depuis longtemps, le recrutement des membres des conseils d’administration est perçu comme un exercice réservé aux initiés, où les administrateurs en fonction invitent leurs amis à siéger à leurs côtés. Quand ce n’est pas le cas, nombre de conseils d’administration recherchent des personnes occupant ou ayant occupé le poste de président-directeur général ou de directeur financier.
Or, cette situation ne facilite guère les choses, car non seulement les LGBTQI+, mais également les femmes, se battent déjà pour briser le plafond de verre afin d’obtenir des postes de direction. Pour diversifier le vivier de candidats qualifiés, les comités de nomination se doivent donc d’élargir leurs critères au-delà des personnes bénéficiant d’une expérience en tant que chef d’entreprise au sein de sociétés cotées en bourse.
Créée en 2022, l’Association of LGBTQ+ Corporate Directors affirme que le processus secret et non transparent de recrutement des membres des conseils d’administration fait obstacle à l’inclusion. Surtout, elle attire l’attention sur le nombre de personnes LGBTQI+ prêtes à siéger dans les conseils d’administration.
Sur ce point, le programme OutQUORUM BoardFit, une initiative de OutLEADERSHIP, a été lancé en 2016 pour préparer les leaders LGBTQI+ à prendre place au sein des conseils d’administration. Dans le cadre de ce programme, une base de données de personnes prêtes à siéger au conseil d’administration a été créée. L’organisation encourage ainsi les directeurs et directrices d’entreprise LGBTQI+ à se déclarer, à se faire connaître et à encadrer les candidats qualifiés pour siéger au conseil d’administration.
Si les systèmes basés sur le volontariat tels que ceux énumérés ci-dessus échouent, il sera peut-être bientôt temps pour la Commission européenne de s’appuyer sur sa stratégie 2020-2025 en faveur de l’égalité des personnes LGBTQ I+ pour rendre obligatoire la représentation des minorités sexuelles au sein des conseils d’administration. Toutefois, il reste préférable que les entreprises n’attendent pas d’être obligées à agir pour le faire.
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Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.