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En France, l’Église catholique semblait avoir été plutôt épargnée jusqu’ici par les scandales de pédophilie. Non qu’il n’y ait pas eu plusieurs cas, dont beaucoup ont été révélés au cours des années 1990 et 2000, mais aucun n’a eu l’ampleur de ceux auxquels ont été confrontés certains diocèses ou congrégations religieuses à l’étranger, en Amérique du Nord notamment, où l’on a pu parler de « Watergate ecclésiastique ».
Ainsi, à Boston, l’affaire a pris une ampleur considérable jusqu’à mener le diocèse proche de la banqueroute (du fait du montant des indemnisations à verser aux très nombreuses victimes), et à conduire son archevêque, le cardinal Law, à présenter à Jean-Paul II sa démission en 2002.
Repères pour les éducateurs
À quelques exceptions près, comme Mgr Pican, qui fut condamné pour la non-dénonciation d’atteintes et de crimes sexuels sur mineurs, les membres de l’épiscopat français ont donné l’impression d’avoir géré le moins mal possible la situation. En 2000, ils ont même mis la question de la pédophilie à l’agenda de leur assemblée plénière. Plusieurs mesures ont alors été adoptées pour mieux protéger les victimes et rendre possible le travail de la justice.
La conférence des évêques de France a ainsi publié une brochure intitulée « Comment lutter contre la pédophilie : repères pour les éducateurs » en 2003. Celle-ci a fait l’objet d’une réédition en 2010 et d’une toute récente en mars 2016.
Au sommet de l’appareil catholique, les papes Benoît XVI et François ont condamné fermement les abus sexuels commis par des prêtres et considéré que les évêques avaient l’obligation de signaler ces cas aux autorités civiles. Des centaines de prêtres, dans le monde, se sont ainsi trouvés démis de leurs fonctions.
Pourfendeur du « mariage pour tous »
Mais depuis quelques semaines, le bilan français est réexaminé. Et, c’est l’un des évêques les plus en vus, le cardinal Barbarin, qui se trouve pris dans la tempête. On lui reproche d’avoir maintenu en fonction un prêtre incriminé pour des faits, certes déjà anciens et pour la plupart prescrits, mais au risque de le laisser au contact d’enfants qui auraient pu être de nouvelles victimes.
Pour expliquer l’emballement médiatique dont l’archevêque de Lyon est l’objet, nul besoin d’évoquer une forme de revanche laïque et encore moins celle d’un prétendu lobby LGBT, comme le laissent entendre certains réseaux catholiques.
C’est bien du côté de l’épisode du mariage pour tous, en 2012 et 2013, qu’il faut en chercher l’origine. À cette occasion, Philippe Barbarin s’est en effet illustré comme l’un des pourfendeurs les plus actifs de l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe.
La défense des droits de l’enfant
Le combat moral, qui s’est trouvé mené par les autorités catholiques et pour lequel le cardinal n’a pas ménagé sa peine, a reposé, assez habilement (car cela leur a permis de nouer des alliances bien au-delà de leur seul groupe religieux), sur la défense des droits de l’enfant. Il s’agissait, nous disait-on, de protéger les enfants des désirs égoïstes des adultes et de garantir leur droit à la filiation.
En septembre 2012, sur les ondes de RCF, Philippe Barbarin se posait même en rempart moral contre ce qu’il percevait comme le relativisme, brandissant le risque de l’inceste. Or, tenir une telle posture nécessite une exemplarité sans faille. Une imprudence ou un manque de discernement, sans même parler d’un délit ou d’un crime, suffit à faire s’écrouler la possibilité de telles énonciations.
Dans cette perspective, l’atonie de l’épiscopat irlandais, par rapport à l’accession des couples de même sexe au mariage approuvée par référendum au printemps 2015, s’explique très largement par la disqualification morale que ses membres ont subie suite à la révélation de nombreux abus d’enfants par des clercs.
Les leçons de morale de l’Église
Au cours des derniers mois, l’Église catholique n’a pas été la seule institution à s’être trouvée mise en cause pour ce type de pratiques aux conséquences potentiellement dramatiques. Plusieurs affaires similaires ont en effet été aussi révélées dans l’Éducation nationale.
On les croyait pourtant appartenir à un temps révolu. Le temps où l’intérêt de l’institution l’emportait toujours sur les droits de ses membres, des plus vulnérables en particulier. Les affaires étaient étouffées et le prêtre ou l’enseignant coupable simplement déplacés vers un autre lieu d’exercice.
Le fait que plusieurs membres de l’épiscopat aient fait corps avec l’archevêque de Lyon, personnalités qui n’appartiennent pas à ses proches, témoigne de ce que cette face sombre des institutions n’a pas disparu. Elle n’en apparaît pas moins insupportable non seulement aux yeux d’une large opinion publique, fatiguée des leçons de morale données par certains représentants de l’Église catholique sur des questions relatives à l’intime (les façons de faire famille ou encore la fin de vie, autre thématique à propos de laquelle Philippe Barbarin s’est illustré), qu’à ceux de fidèles catholiques choqués par l’incurie contre-exemplaire du cardinal.
À l’occasion de la messe chrismale, qui réunit l’ensemble des prêtres du diocèse, ce dernier a finalement demandé pardon aux victimes. L’enquête judiciaire elle est toujours en cours.
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Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.