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L’entrepreneuriat, source d’émancipation pour les minorités sexuelles et de genre ?

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Le « mois des fiertés » (pride month outre-Atlantique), en grande partie éclipsé par l’actualité de la crise sanitaire, a été ponctué par une série d’évènements tragiques. Le 14 juin dernier, Sara Hegazy, une militante LGBT égyptienne, mettait fin à ses jours après une période d’emprisonnement. La veille, le président polonais attaquait lors d’un meeting électoral l’« idéologie LGBT » qu’il considère comme du « néo-bolchevisme ».

Mais, en parallèle, le mois de juin a été marqué par un arrêt de la Cour suprême des États-Unis interdisant les discriminations au travail fondées sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre.

Ces discriminations restent monnaie courante pour les minorités sexuelles en 2020. D’après la dernière étude de l’Agence européenne des droits fondamentaux, « A long way to go for LGBTI equality », une personne LGBTI (lesbienne, gay, bisexuelle, transgenre, intersexuée) sur cinq s’estime discriminée sur son lieu de travail et une sur trois déclare avoir des difficultés à subvenir à ses besoins et à trouver un emploi en lien avec sa qualification.

Pourcentage des répondants qui se sont sentis discriminés au travail durant les 12 derniers mois du fait de leur appartenance à la communauté LGBT (comparaison entre 2012 et 2019).
étude « A long way to go for LGBTI equality »

Ainsi, nous avons voulu comprendre si l’entrepreneuriat pouvait constituer une solution pour les minorités sexuelles, victimes ou particulièrement exposées à des discriminations sur le lieu de travail.

Notre étude, publiée en septembre 2019, s’est focalisée sur la population lesbiennes, gays, bisexuels (LGB) parisienne. Elle tend à montrer que la création d’entreprise reste un recours privilégié pour cette communauté.

Les LGB favorables à la création d’entreprise

Dans un souci d’échapper à des pratiques discriminantes, et plus globalement de pouvoir affirmer son identité sereinement, la création d’entreprise a souvent été présentée comme une solution pour les personnes LGBT depuis les années 2000. C’était du moins le cas dans les zones géographiques où émergeait l’économie des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) et où pullulaient les créations d’entreprises. Deux décennies plus tard, cette affirmation reste pertinente.

Sur les 654 Parisiens que nous avons eu l’occasion d’interroger (266 LGB et 388 non LGB) au sujet de leur intention de créer une entreprise (dans l’absolu et dans un avenir proche), les LGB se révèlent majoritairement favorables au lancement de leur propre activité.

À noter que la capitale française s’avère relativement agréable à vivre pour la population LGB : 14 % de la population parisienne se déclare gaie ou lesbienne, contre 7 % dans le reste de la population française.

Par ailleurs, les personnes LBG interrogées estiment que créer une entreprise représente une action positive. Elles accordent de l’importance à ce que pensent les personnes importantes de leur entourage concernant leur projet.

Enfin, les personnes LGB s’estiment majoritairement capables de relever le défi de l’entrepreneuriat alors que les réponses chez les non LGB restent plus nuancées. Comment analyser ces résultats ?

Le rôle de la communauté

Le protocole de recherche choisi ne nous permet pas de formuler des explications formelles. Par contre, il reste possible de les interpréter au regard de la notion de « capital social » dont bénéficient les personnes LGB, en particulier à Paris. Le capital social se définit comme l’ensemble des réseaux et relations sociales relatifs à une personne ou une entité.

L’appartenance à une communauté forte offrirait aux personnes LGB le capital social nécessaire pour susciter l’envie de créer son entreprise et générerait un cercle vertueux : une envie de créer son entreprise, les liens sociaux qui soutiennent la création, l’émancipation financière et personnelle qui en découle, les échanges avec les nouveaux venus dans la communauté, etc.

Par ailleurs, une communauté offre généralement la possibilité de rentrer en contact plus facilement avec ce qu’on appelle un « rôle modèle » (role model en anglais) c’est-à-dire une personne dont le comportement, l’exemple ou les succès peuvent inspirer d’autres individus.

Ce phénomène d’identification s’avère particulièrement présent dans le monde de l’entrepreneuriat. Un entrepreneur qui a réussi va influencer et donner envie aux personnes qui le côtoient de se lancer dans une aventure de création d’entreprise, surtout s’il fait partie de l’entourage proche (mère, père, meilleur ami). C’est ce que révèle une étude sur une population d’étudiantes dans le secteur de la santé.

Pour les étudiantes dans le secteur de la santé, le rôle modèle le plus impactant est un entrepreneur parent et/ou ami proche.
GEM LAB Studies

Mais, pour les personnes LGB, l’identification à des rôles modèles se produit rarement dans le cercle familial, les personnes LGB déclarant souvent sortir de ce cadre. En revanche, les amis entrepreneurs issus de la communauté LGB peuvent très bien jouer ce rôle. En les côtoyant, en les entendant parler, voire en parlant avec eux de leur entreprise, les personnes LGB sont plus disposées à développer une attitude positive envers la création d’entreprise.

En ce sens, la démarche communautaire et la possibilité de s’identifier permettraient aux personnes LGB de constituer le capital social nécessaire à toute aventure entrepreneuriale.

Qu’en est-il des autres communautés ?

Est-ce à dire que la communauté LGB, et en particulier de Paris, pourrait servir d’exemple aux autres communautés et minorités en mal d’émancipation (femmes, transgenres ou non binaires, minorités ethniques, etc.) ?

Selon une étude sur les rôles modèles et l’intention entrepreneuriale des étudiantes dans le secteur de la santé, trois critères essentiels doivent être réunis : le fait de côtoyer régulièrement l’entrepreneur, que ce dernier encourage et échange très régulièrement avec l’individu et qu’un certain degré de ressemblance s’établisse avec l’éventuel entrepreneur et la réussite entrepreneuriale de l’individu.

Ainsi, cela implique que les minorités puissent intégrer des réseaux et côtoyer des personnes qui leur « ressemblent » et ont réussi professionnellement. Or ces réseaux permettant la reconnaissance, la valorisation et l’émancipation des minorités restent encore peu nombreux et peu visibles. C’est uniquement au travers du développement de communautés de partage et d’entraide fortes que les minorités pourront non seulement être inspirées, mais aussi réellement incitées à créer leur entreprise.



Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.

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