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Lutte contre les discriminations : comment épauler les managers ?

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Le 30 janvier 2023, la première ministre Élisabeth Borne et Isabelle Rome, ministre de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances ont présenté leur plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations. Le gouvernement a notamment dévoilé 80 mesures qui entreront en vigueur d’ici 2026. Le plan prévoit notamment de multiplier les « testings » (envoi de deux CV similaires à l’exception de l’adresse du candidat) ou encore la création d’une « amende civile dissuasive ».

Plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine (gouvernement, janvier 2023).

La lutte contre les discriminations reste en effet un défi considérable. Selon le dernier baromètre de l’Observatoire Cegos, publié fin 2022, plus d’un salarié français sur deux dit avoir déjà été victime d’au moins une forme de discrimination. Interrogés sur la cause, 18 % des répondants de l’enquête mentionnent l’apparence physique et l’âge, 15 % le sexe et 13 % l’état de santé.


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Plus inquiétant, la même enquête montre que, pour 21 % des managers seulement, les actions mises en place par leur organisation (information, formation, ressources humaines, etc.) sont utiles pour gérer les situations sensibles. « La marge de progrès est donc réelle… », conclut le rapport.

Rationalités concurrentes

Comme nous le montrons dans nos travaux récents sur le fait religieux en entreprise, le manager est aujourd’hui généralement confronté à un environnement empreint de « soft law » non contraignante, le positionnant en producteur de norme quasi permanent. Autrement dit, le manager se retrouve souvent seul au moment de trancher et sa décision tend à constituer une jurisprudence implicite lorsqu’une même situation se représente.




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Fait religieux en entreprise : à la fin, ce sont les managers qui créent les normes


Sur les questions de diversité, adopter cette perspective permet de comprendre que le manager souffre d’un inconfort important lorsqu’il doit jouer son rôle d’arbitrage quasi juridictionnel car il fait face à de multiples rationalités concurrentes. Pour éclairer cette problématique, plusieurs travaux fondateurs mettaient en avant, dès les années 1970, les notions de cohabitation des normes, de juxtaposition et de domination des unes sur les autres, ainsi que la légitimation des normes en contexte interculturel.

Hugo Gaillard : quand le manager produit la norme et devient… juge (Xerfi canal, janvier 2023)

Dans le cas du manager, il est celui qui doit appliquer une norme souvent descendante, venue de sa hiérarchie, tout en prenant compte la norme de l’ensemble de son organisation, la loi ou encore les réactions attendues des membres de son équipe, eux-mêmes porteurs de rationalités parfois divergentes ou contradictoires.

« Est-ce bien notre rôle ? »

Dans la lutte contre les discriminations, la responsabilité qui pèse sur les épaules managériales est donc très forte. Des impératifs sociaux de justice, d’égalité et de respect des droits fondamentaux, c’est-à-dire politiques, s’ajoutent aux objectifs de performance économique habituels. Or, comme nous avons pu le constater dans nos recherches, cette nouvelle dimension de l’activité n’est pas toujours bien acceptée par les managers. Un responsable d’équipe dans le secteur automobile s’interrogeait ainsi :

« L’entreprise doit-elle faire de la politique, est-ce bien notre rôle ? »

Un responsable opérationnel du secteur de la grande distribution reconnaissait, lui, ses limites :

« J’ai besoin d’être aidé et soutenu, je n’ai pas les qualifications requises. Je suis une personne de terrain. »

Face à ces difficultés, il est donc essentiel de considérer des stratégies concrètes pour favoriser l’intégration des groupes minoritaires en épaulant les managers dans leur rôle d’arbitre et de producteurs de normes.

Démarches proactives

Plusieurs solutions peuvent être mises en œuvre par les entreprises pour conforter l’action managériale qui va intégrer ces démarches à sa dynamique d’arbitrage. Un premier pas est d’impliquer les groupes minoritaires dans la gouvernance de l’entreprise. Par exemple, Coca-Cola a créé des groupes de travail internes dédiés à la diversité, où les employés issus de groupes minoritaires participent aux processus décisionnels clés de l’entreprise. En France, plusieurs lois récentes concernent par exemple spécifiquement la place des femmes dans la gouvernance (Loi Rixain), où elles sont encore assez largement minoritaires.




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De nombreuses organisations choisissent également de créer des structures formelles au sein des entreprises. Dans cette perspective, le géant du conseil Accenture a créé un laboratoire d’innovation sur la diversité et l’inclusion pour développer et tester des solutions novatrices, et de nombreuses grandes entreprises déploient des services ou des directions de la diversité et de l’inclusion.

Ces modes de gouvernance nouveaux et ces structures formelles permettent de mieux mesurer et suivre le phénomène minoritaire. Microsoft, par exemple, promeut de nombreuses enquêtes pour collecter les retours d’expérience et les suggestions des employés sur les enjeux de diversité et d’inclusion. En France, des index diversité (à l’instar de celui sur l’égalité professionnelle) se développent, y compris un très récent lancé par le ministère du Travail.

Pour ce qui est des personnes LGBTQ+, ce sont des associations de praticiens qui ont par exemple développé un kit à destination des décideurs.En adoptant ces approches et s’appuyant sur de tels dispositifs et pratiques, les entreprises peuvent ainsi mieux comprendre les relations entre les individus, les groupes minoritaires et les institutions, tout en promouvant une culture d’inclusion et de diversité.

Il est en effet impératif que les organisations assument de répondre à des enjeux politiques sur l’inclusion de tous les groupes. De telles démarches proactives apparaissent bénéfiques pour les équipes comme pour les managers. Elles permettent d’éviter des frictions trop grandes, en gagnant en compréhension mutuelle par la pratique du compromis.

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Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.

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